UN AIR DE VOYAGE
// 2018
Jimmy Breton est un ancien légionnaire de 40 ans, Estelle, sa femme en a 37, ils sont tous les deux Gitans, ont grandit ensemble, puis se sont mariés. Ils ont quatre enfants âgés de 20, 18, 15 et 9 ans. Lui, a un fils d’une première union qui a aujourd’hui vingt-huit ans. Les quatre derniers vivent avec eux dans des caravanes sur le terrain du grand-père dans le 91. Cette terre a été achetée en 1955 par le grand-père, qui y a construit un chalet où il a habité jusqu’à sa mort en 2002. Le terrain a été ensuite squatté pendant plus de onze ans.
En 2013, Estelle demande à sa mère de s’y installer, celle-ci lui cède alors l’héritage de son père. La famille Breton s’y installe alors avec ses 4 enfants et 2 cousins. Chacun a sa caravane, son intimité, son confort et le chalet pour se retrouver avec une cuisine et salle-de-bain communes. Les enfants ont grandis ici, les 2 filles se sont mariées, la petite dernière, Candice, va à l’école de la ville, et vient de rentrer en CE2. Il est inconcevable pour les parents, qu’elle se retrouve comme eux, à ne savoir ni lire, ni écrire. Ils ont aussi recueilli dernièrement un couple de jeunes qui s’est retrouvés subitement à la rue, avec leur petite fille de 4 mois. « Chez nous, les Gitans, la famille c’est sacrée, on ne laisse personnes dehors, alors quand on peut loger, on loge ! »
Il y a quelques semaines, Jimmy a eu un grave accident au travail, plusieurs vertèbres de touchées, c’est un miraculé ! Il devrait être en fauteuil roulant. Qu’importe, même en arrêt de travail, pas question de rester clouer sur son lit car il est le chef de famille.
Ici c’est un joyeux bordel, chacun va et vient... Une voiture à réparer, une machine à vider, un coup de ménage, un jeux vidéo à reprendre, pendant que les 3 chiens et chats courent dans tous les sens.
C’est une famille ordinaire, sauf que ce ne sont pas des voisins considérés comme ordinaires, au milieu des autres résidences, ils « dénotent » ! Ce sont des gens du voyage... 4 caravanes, un chalet, de la ferraille stockées dans les buissons, des enfants, des parents, des cousins et des amis qui rentrent et qui sortent.
Il y a quelques jours, leur chat a été aspergé d’acide par un voisin... 200 cents euros de vétérinaires pour le sauver ! Ici, on aime les animaux, les gens et la vie. Alors on la célèbre chaque jours et parfois un peu bruyamment.
Il y’a quelques mois, les Breton on reçu un courrier leur demandant de quitter les lieux car ils ne seraient pas propriétaires du terrain. Estelle a contacté sa mère, qui lui a transmis les papiers nécessaires, attestant que le terrain était bien à son père. « On ne sait ni lire, ni écrire, chez nous ! On ne fait pas de testaments et ce qui t’appartient tu le donnes à tes enfants avant ta mort de vive voix ! ». C’est là où est le problème : A la mort du Grand-père, la famille ne s’est pas manifestée auprès de l’état car « ça allait de soit ». Un curateur a été alors nommé et le terrain est rentré dans les biens de l’état.
5 ans après leur diverses installations, le paiement régulier des taxes d’habitation, du foncier, des assurances et factures d’eaux, d’électricité... ils ont ordre de déguerpir !
Incompréhension totale, puisque à leur arrivée, ils ont même payé les factures impayées des squatteurs pour être en règle. La mairie leur a même donné l’autorisation de clôturer leur terrain avec des parpaings.
Estelle et Jimmy ont décidé de se battre. Ils prennent un avocat et un notaire qu’ils payent, tout en réunissant un maximum de preuves pour attester de leur bon droit. « Cette terre a vu mes ancêtres mourir et naître, elle a été payée par le Grand-père, elle est à nous et on se battra pour la garder ! J’en ai 800 de chez nous qui sont prêt à me suivre, si il le faut... »
C'est la troisième fois que l'affaire est reportée, 1 fois suite à la demande des Bretons et 2 fois car la partie adverse ne s'est pas présentée. L'état de Jimmy s'est dégradé, il est en fauteuil roulant. Ce 6 Décembre, une nouvelle fois après 1h30 d'attente, l'avocat de la partie adverse n 'est pas là, l'affaire est reportée en février. Derrière les sourires, une inquiétude terrible monte en eux qu’ils essayent tant bien que mal de cacher à leurs enfants.